Lettre ouverte
- Johanna Parment
- 18 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 mai
Je suis éleveuse de Golden Retrievers.
Depuis plus de deux ans maintenant, j’ai fait de la santé et de la conscience des réalités de l’élevage un axe central de mon travail et de ma communication. J’explique, encore et encore, que malgré toute la rigueur de la sélection, malgré tous les tests génétiques, les radios, les échographies, malgré le soin extrême que je mets dans chaque mariage, nous élevons des êtres vivants. Et avec le vivant, tout ne se maîtrise pas.
Je le répète souvent : adopter un chiot, aussi bien né soit-il, demande des épaules solides.
Les frais vétérinaires explosent, j’en ai déjà parlé ailleurs sur ce blog. L’assurance santé n’est plus une option. Et pourtant, malgré cette transparence, malgré cette volonté de prévenir plutôt que de guérir, il reste encore, ici ou ailleurs, des familles qui ne donnent des nouvelles que lorsque quelque chose va mal.
Et ça, c’est dur. Très dur.
Parce que nous, les éleveurs sérieux, on ne vend pas juste un chien. On confie un morceau de notre travail, de notre cœur, de nos années d’investissement.
Et quand le silence s’installe, quand plus personne ne donne de nouvelles, puis qu’un jour, un message arrive pour dire qu’il y a un souci, parfois grave… on encaisse. Et on répond. Parce que c’est notre rôle. Parce qu’on aime nos « bébés », même après leur départ.
Mais il faut être honnête : chez certains, on reçoit si peu de nouvelles que lorsqu’un message arrive, on a des palpitations.
Parce que certains n’écrivent que lorsqu’il y a un problème. Et du coup, chaque notification, chaque mail devient une source d’angoisse : « Qu’est-ce qui se passe cette fois-ci ? »
Et c’est profondément injuste, car l’éleveur ne devrait pas avoir à redouter un message de l’une de ses familles.
Mais il est important de comprendre que notre rôle s’arrête là où commence la vie indépendante de votre chien.
Nous serons toujours là pour vous accompagner, vous conseiller, vous écouter. Le suivi, lui, est à vie.
Mais cela ne signifie pas que nous pouvons prendre en charge tous les aléas de santé qui peuvent survenir par la suite.
C’est aussi pour cela qu’il existe un cadre légal clair, qui définit les responsabilités de l’éleveur, et ce dans un souci d’équité.
Nous sommes bien sûr présents, mais dans la juste mesure de ce que nous pouvons et devons assumer.
Et pendant ce temps, il faut aussi que je le dise : nous avons notre propre cheptel à entretenir.
Des chiens que nous avons parfois nous-mêmes achetés chez d’autres éleveurs, en toute confiance, en acceptant cette part d’inconnu qui fait partie du vivant. Et jamais, vraiment jamais, il ne me viendrait à l’esprit d’accuser mes confrères ou consœurs pour chaque souci de santé rencontré chez mes chiens. Parce que je sais ce que c’est. Parce que je sais qu’on peut faire les choses du mieux possible et qu’un souci peut quand même arriver.
Ce cheptel, il faut le nourrir, l’entretenir, le soigner.
Il n’y a pas un mois sans une visite chez le vétérinaire, quand on vit avec une meute de chiens. Soyons honnêtes : je travaille avant tout pour mon vétérinaire… et ensuite pour mon fournisseur de croquettes.
Et malgré tout ça, je continue. Par passion, oui. Mais aussi parce que je crois profondément en l’importance d’élever avec conscience et exigence.
À ceux qui élèvent aussi…
Et ce que je dis pour les familles adoptantes vaut aussi, parfois, pour certaines ventes entre professionnels.
Quand on vend à d’autres éleveurs — ou dans le cadre de ventes de saillies il faut se rappeler que les mêmes règles, les mêmes réalités s’appliquent. Et qu’en tant qu’éleveurs, nous sommes justement censés être encore plus conscients que les particuliers du fait que le risque zéro n’existe pas.
Un chien “imparfait”, un problème de santé, un défaut qu’on n’avait pas vu venir… ça fait partie du jeu, aussi difficile que ce soit à accepter.
Si tout était aussi simple, si chaque mariage donnait systématiquement des chiots parfaits et en parfaite santé, ça se saurait.
Mais au lieu de ça, quand une déception survient, on entend vite les critiques sur les choix de croisement de l’éleveur, sur ce qu’il aurait “dû” ou “pu” faire autrement.
Pourtant, ceux qui savent vraiment ce que c’est que d’élever devraient aussi savoir qu’on fait toujours de notre mieux, et qu’on ne contrôle jamais tout.
Et moi aussi, j’apprends.
Au fil des années, à travers les retours, les situations, les joies et parfois les déceptions, je continue à évoluer.
J’ai toujours pris le temps d’échanger longuement avec les familles. Mais avec le recul, je reconnais qu’il y a quelques années, je n’étais peut-être pas toujours assez claire sur certaines réalités.
Aujourd’hui, j’en fais un vrai cheval de bataille : mieux préparer, mieux informer, mieux former les familles à ce qu’implique réellement l’adoption d’un chien. Et je continuerai dans ce sens, parce que je suis convaincue que plus les futurs adoptants sont éclairés, plus les chiens seront heureux.
D’ailleurs, je le pense sincèrement : il faudrait qu’en France, on éduque dès le plus jeune âge à ce que signifie avoir un animal de compagnie.
Qu’on enseigne le respect, la responsabilité, les besoins réels d’un être vivant qui partage notre quotidien.
Parce que plus on est instruit sur le sujet, mieux on comprend, et mieux on agit.
Ce texte n’est pas un reproche, c’est un appel à la compréhension.
Un appel à considérer l’éleveur comme un partenaire, pas une solution de secours.
Un rappel que nous aussi, on ressent, on doute, on s’épuise parfois à vouloir bien faire, à tout anticiper, à porter le poids de ce qui ne dépend même pas de nous.
Alors si vous avez adopté un chiot chez moi – ou chez un autre éleveur engagé – pensez à ça.
Pensez qu’un petit mot, une photo, un « tout va bien » peut nous porter pendant des jours.
Et que la reconnaissance de notre travail, même discrète, est ce qui nous fait tenir.
Merci à ceux qui comprennent.
Et aux autres, j’espère que ces mots vous feront réfléchir.
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